La pandémie et son effet sur les faillites commerciales : Une situation contradictoire

Les entreprises québécoises de toutes tailles sont durement touchées par la pandémie de COVID-19. Plusieurs d’entre elles ont dû couper leurs activités, mettre à pied des employés, et/ou se placer à l’abri de créanciers.

Avec la situation économique difficile, les experts anticipaient que le nombre de défaillances d’entreprises s’aggraverait durant le second semestre de 2020 jusqu’au début de 2021. Malgré cela, le nombre de faillites a diminué comparativement à l’année dernière. De plus, selon un sondage effectué par l’Institut de recherche sur les PME (INRPME) et la Fédération des Chambres de commerce du Québec (FCCQ), 82 % des entreprises québécoises ont affirmé n’avoir aucune crainte par rapport à la faillite.

Nous avons effectué une entrevue avec Samuel M. Gignac, président du Conseil des syndics autorisés en insolvabilité du Québec afin qu’il nous éclaire par rapport à cette situation contradictoire.

 

M. Gignac, selon vous, pourquoi le nombre de faillites chez les entreprises a diminué de presque 50% entre mars et juillet par rapport au même moment l’année dernière, et ce, malgré la pandémie?

Avec l’annonce de l’état d’urgence sanitaire du gouvernement, plusieurs intervenants économiques ont mis en place des mesures d’allégements financiers destinées aux entreprises. On pense à des moratoires sur les remboursements d’emprunts, au report de certains paiements à faire au gouvernement. Aussi, la fermeture des tribunaux et la mise en place du télétravail ont ralenti, voire stoppé les procédures de recouvrement de part et d’autre.

Au final, je pense que la baisse du nombre de faillites du printemps qui se poursuit actuellement est beaucoup liée à la baisse de l’activité économique en lien avec le confinement et les allégements financiers et la retenue des actions de collections. Une faible proportion des entreprises sortira gagnante de la crise sanitaire.

 

Est-ce que vous prévoyez un retour du balancier à court ou moyen terme?

Je pense qu’à court terme les dossiers d’insolvabilité des secteurs directement touchés par le confinement vont augmenter; la restauration, le secteur du tourisme, l’événementiel.

Historiquement, quand il y a une récession, c’est à la reprise économique qu’on voit le plus grand nombre d’insolvabilités. Avec la reprise économique, la patience des institutions financières et des agences du revenu s’amenuise et c’est souvent à ce moment qu’on décide de « tirer sur la plug » et de rappeler les prêts en défaut. Lors de la reprise de l’activité économique, les entreprises mettent donc en place les plans qu’ils ont faits durant la période de récession et c’est souvent à ce moment qu’ils réalisent qu’ils n’auront pas les facilités de crédit nécessaire à la reprise des affaires.

On voit que plusieurs grandes entreprises du domaine de la vente au détail se sont déjà protégées de leurs créanciers. Certaines profitent peut-être de la pandémie pour apporter des changements dans leurs modèles d’affaires. La pandémie a accéléré une transformation déjà engagée vers le commerce en ligne. À moyen – long terme, peut-être que les propriétaires d’immobilier commercial vont devoir se réinventer également devant l’engouement pour le télétravail.

 

Avez-vous des conseils pour les entreprises qui éprouvent des difficultés financières ou anticipent en éprouver dans les mois à venir?

Si vous pensez vous retirer du marché en tout ou en partie, consultez un SAI pour explorer les possibilités de réorganisation. Annulation de baux, transfert de contrats, impacts personnels, etc.

Rester à l’affût des mesures gouvernementales dont elles pourraient profiter. Les gouvernements ont mis en place des programmes d’aide sans précédent, les entreprises en difficulté devraient chercher à en tirer parti au maximum. Plusieurs bureaux comptables ont mis en place des vieilles sur les programmes gouvernementaux et certains proposent même de préparer ou de réviser votre dossier. Soyez en contact avec vos comptables et votre banquier et n’hésitez pas à les solliciter si vous avez des questions.

Pour les entreprises qui ont des problèmes de liquidités, elles devraient dresser un budget de caisse hebdomadaire pour faire correspondre les entrées et les sorties de fonds et voir les embuches à l’horizon et ainsi réagir en amont. Le budget de caisse est un outil simple qui peut servir à poser un diagnostic sur la viabilité de l’entreprise.

Si vous constatez que vos facilités de crédit s’épuisent, avant de retarder des paiements comme les remises de taxes gouvernementales ou les paiements de retenues à la source, contactez un syndic. Il vous expliquera les outils à votre disposition pour résoudre vos problèmes financiers et pourra regarder avec vous l’impact des problèmes de votre entreprise sur votre situation personnelle.

 

Quelles sont les meilleures solutions qui s’offrent alors à ces entreprises en difficulté?

Il y a autant de solutions qu’il y a d’entreprises, mais avant de penser au plan de match, on se pose généralement les trois questions suivantes :

  1. Est-ce que le propriétaire de l’entreprise a le désir de poursuivre les opérations ?
  2. Est-ce que l’entreprise bénéficie encore de la confiance de ses bailleurs de fonds ?
  3. Est-ce que le modèle d’affaires de l’entreprise est viable ?

Ces questions permettent d’évaluer si on se dirige vers une réorganisation de l’entreprise ou vers sa liquidation. La liquidation implique généralement une faillite, alors que la réorganisation peut impliquer un avis d’intention de faire une proposition concordataire à ses créanciers.

Si une entreprise envisage de se retirer des affaires ou de procéder à une réorganisation, elle devrait contacter un syndic autorisé en insolvabilité.

Vous savez, seuls les syndics autorisés en insolvabilité sont les seuls qui peuvent, selon la Loi, déposer les procédures qui permettront à une entreprise de se placer sous la protection de Loi sur la faillite et l’insolvabilité et ainsi suspendre toutes procédures de saisie à son égard.

 

Pour trouver et consulter un syndic autorisé en insolvabilité près de chez vous, consulter le lien suivant :

https://www.ic.gc.ca/app/scr/tds/web/